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			Chapitre I 
			
			Le désappointement  du Bateleur 
			
			  
			
			Le 
			soleil est couché depuis cinq bonnes heures. Les odeurs chargées de 
			gaz d’échappement distillés par les activités de la ville se sont 
			estompées. Elles ont fait place à une fraîche brise à peine parfumée 
			par la végétation du jardin publique que le Bateleur parcourt en ce 
			moment.  
			
			
			Comme chaque soir il traverse cet îlot de végétation pour se rendre 
			chez lui après une journée de travail. 
			
			
			C’est une portion de nature qu’il s’offre pour se ressourcer un 
			peu. 
			
			
			Aujourd’hui les parfums lui paraissent chargés d’amertume, il se dit 
			alors que dans le fond ceux-ci sont les mêmes que d’habitude. Il se 
			dit également qu’il parcourt toujours le même chemin, connaît 
			toujours les mêmes décalages horaires, mène toujours cette vie 
			marginale qui le fait ressembler à tout le monde.  
			
			
			Marmonnant cette complainte comme un mantra qu’il se ressasse depuis 
			quelques minutes il est soudain interpellé ; il s’arrête de marcher 
			un instant pour mieux se concentrer sur la contradiction qu’il vient 
			de distiller. 
			
			
			« Une vie marginale qui le fait ressembler à tout le monde !» 
			 
			
			
			Voila un constat qui mérite réflexion ! 
			
			
			Pourquoi vivre marginalement si c’est pour être comme tout le 
			monde ? Et encore pourquoi entrer dans le modèle sociétal si c’est 
			pour être marginalisé ? 
			
			
			Serions-nous tous des marginaux qui s’ignorent ? 
			
			La 
			question serait peut-être de savoir si nous sommes des moutons qui 
			se renient ou si, au contraire, nous sommes tous dans une 
			individualité refoulée. 
			
			Sur 
			cette question existentielle, Le Bateleur reprend son pas en se 
			disant qu’il réfléchira dès demain à la question. 
			
			  
			
			Pour 
			le moment, les pensées qui lui taraudent l’esprit sont bien plus 
			pragmatiques et réelles : 
			
			
			Pourquoi ne parvient-il pas à trouver un équilibre dans ses 
			relations à la société, qu’elles soient professionnelles ou privées 
			?  
			
			
			Pourquoi répète-t-il toujours les mêmes erreurs ?  
			
			
			Pourquoi les mêmes tensions se manifestent-elles de façon aussi 
			récurrente ?   
			
			Et 
			pourquoi n’est-il pas capable de rencontrer des interlocuteurs avec 
			qui il puisse durablement connaître des relations équilibrées et 
			réciproquement respectueuses ? 
			
			
			Cette fois c’en est trop ! Ce soir, alors qu’il accomplissait son 
			travail avec des clients habituels, cela a de nouveau tourné en eau 
			de boudin. 
			
			Les 
			clients ont commencé à exprimer des exigences totalement hors 
			contexte, voire hors programme, celles-ci s’accompagnent même d’une 
			menace à peine voilée de non paiement du travail déjà accompli. « Non 
			paie-ment du tra-vail dé-jà ac-com-pli ! » Ca résonne dans sa 
			tête comme si le tocsin sonnait sur la plus grosse cloche de la 
			ville. Hé oui ! Le Bateleur fait partie de ces naïfs qui laissent 
			leurs clients prendre du retard dans leurs paiements en pensant 
			qu’ils sont assez honnêtes pour payer leur dû. Naïveté ? Bêtise ? 
			Inexpérience ?  
			
			
			Voila encore une situation qui mérite réflexion, mais cette fois il 
			ne repoussera pas la question aussi longtemps qu’il n’aura pas les 
			réponses. 
			
			
			Pourquoi y a-t-il toujours un ou des grains de sable pour enrailler 
			la machine alors que tout semble bien tourner ? 
			
			Et 
			sur la même lancée, pourquoi est-il toujours celui à qui on fait 
			appel lorsque l’on a besoin d’aide ?  
			
			
			Pourquoi est-il toujours prêt à donner de sa personne pour aller de 
			l'avant, alors que ceux qui en profitent lui demandent toujours plus 
			en ne lui reconnaissant même pas le droit d’établir ses propres 
			règles ? 
			
			Il 
			est Le Bateleur, c’est donc normal qu’il donne les impulsions à 
			toute forme d’action, mais pourquoi ne parvient-il pas à garder la 
			bonne direction, la bonne énergie ? 
			
			Ce 
			soir la coupe a débordé ; il a dû accéder aux exigences complètement 
			irrationnelles de ses clients, et cela parce qu’il a besoin de 
			recevoir son argent pour, tout simplement, payer ses factures. 
			
			
			Voila une limite qu’il pensait ne jamais avoir à franchir. Accepter 
			de faire un travail de singe pour payer ses factures !..... 
			
			  
			
			
			Pourtant, en Bateleur dynamique qu’il est, il a bien appris toutes 
			les leçons proposées par les Arcanes qu’il visite depuis des années. 
			Il a même dans certains cas travaillé son apprentissage bien plus en 
			profondeur que les Arcanes le lui demandaient. 
			
			  
			
			
			Songeur, il passe en revue chaque Arcane en se remémorant les 
			expériences et leçons retenues de leurs rencontres. Le premier lui 
			venant à l’esprit est la Papesse, pas étonnant, car la somme de 
			connaissances acquises avec elle est considérable. 
			
			
			Combien de nuits a-t-il passé à converser avec elle, à étudier et 
			intégrer la connaissance Universelle alors qu’il désirait ardemment 
			faire la fête avec quelques diablesses qui le tentaient aux plaisirs 
			terrestres ? Combien de livres a-t-il lus en sa compagnie ? 
			
			  
			
			Et 
			toutes les fois, sous l’impulsion du Chariot, qu’il se vit avancer 
			vers de nouveaux défis alors qu’il se trouvait si bien installé dans 
			ses nouveaux succès fraîchement conquis ? Avec lui il ne connut 
			aucune possibilité de se reposer en savourant ses victoires, c’est 
			comme si le mode « arrêt » l’exposait à quelque chose de plus 
			dangereux que tout ce qu’il pourrait rencontrer sur les champs de 
			bataille. Il comprit plus tard, qu’effectivement Le Chariot, 
			en se 
			complaisant dans une vie oisive, risquait de ne plus pouvoir 
			redémarrer ni maîtriser sa vie. Il se souvient avoir prononcé cette 
			phrase en parlant de lui ; Le Chariot revient victorieux de ses 
			campagnes, il est adulé pour ses triomphes, mais il n’a gagné qu’une 
			seule chose, c’est le droit de repartir en campagne. 
			
			  
			
			Sous 
			le charme de L’Impératrice, il passa des journées passionnantes à 
			conceptualiser un nouveau monde pour mentalement construire son 
			avenir de façon claire. Ils travaillèrent ensemble pour préparer la 
			construction d’un avenir limpide, un avenir dédié à l’élévation de 
			l’Être. En repensant à l’Impératrice il se souvient de cette 
			ambiguïté qui l’enivrait, son corps vibre encore du mélange 
			d’intelligence, de séduction et de maturité qui habite 
			L’Impératrice.  
			
			  
			
			Et 
			La Justice, avec elle il apprit  par cœur les 22 lois de l’Univers. 
			Il y mit tellement d’énergie qu’il eut beaucoup de peine à trouver 
			les justes équilibres entre perfection et relativité, entre justesse 
			et justice, entre rigueur et souplesse et encore entre l’idéal et la 
			réalité.  
			
			
			C’est l’Arcane avec lequel il eut le moins d’affinité, les rapports 
			furent toujours froids, mais par contre c’est l’unique Arcane avec 
			lequel il se sentit toujours clair ou au clair, c’est le seul à 
			l’avoir toujours regardé droit dans les yeux et, tout en 
			l’intimidant, cela le mettait en confiance. 
			
			  
			
			Il 
			se souvient des habitudes de confort que l’Arcane sans Nom lui fit 
			lâcher.  
			
			Il 
			se souvient de sa dernière relation amoureuse qui le freinait et 
			plombait sa vie, cette liaison l’enferma jusqu’à ce que l’Arcane 
			XIII y mette fin. Il ne le regrette pas, bien au contraire ! Mais 
			cette relation fut vécue avec toute la force de l’Arcane XI, Sexe – 
			Passion – authenticité libératrice,  la séparation ne pouvait donc 
			être que déchirante; que de douleurs pour parvenir à grandir ! 
			 
			
			  
			
			Et tous les 
			sacrifices consentis, que se soit en temps, en argent, en travail. 
			Combien de fois, dans les relations humaines, il se priva de sa 
			liberté de dire non ; que ce soit par sens de l’engagement ou dans 
			le but de poursuivre ses expériences dans leur totalité ; Cela lui 
			fit découvrir le Pendu jusqu’à son  paroxysme. 
			
			  
			
			Et Tempérance, ce 
			furent certainement les expériences les plus douces. Apprendre à 
			regarder le monde avec compassion, offrir de son temps pour les 
			autres. Venir en aide à des inconnus par amour de l’humain et 
			simplement parce que ces personnes en ont besoin. Ces expériences 
			furent les plus enrichissantes et il les revivrait avec grand 
			plaisir. 
			
			  
			
			Pour l’Hermite il 
			n'eut nul besoin de le chercher, il se présenta dans chaque crise, 
			qu’elle soit existentielle ou identitaire, spirituelle ou égotique. 
			Presque à chaque contrariété de relative importance, l’Hermite 
			s’installa comme à la maison sans même sonner avant d’entrer. 
			 
			
			Il est le seul 
			Arcane, avec le Pendu, qui lui procurait une vraie libération lors 
			de sont départ.  
			
			Ce fut chaque fois 
			comme avec un invité incommodant, lorsque enfin il se décide à 
			partir et qu’on referme la porte derrière lui, on développe une 
			grande respiration avec l’envie d’exulter sa légèreté retrouvée.   
			
			  
			
			Comme pour 
			l’Hermite, Le Monde se présentait également sans tambours ni 
			trompettes, sauf qu’avec Le Monde l’ambiance est nettement 
			meilleure. Ce fut à chaque fois un état de grâce, des moments où l’on 
			se sent en harmonie avec l’Univers, ces moments où la pensée devient 
			créatrice de jardins magiques alors que le quotidien devient 
			jardinier de pensées prodigieuses. Cet état de grâce où il suffit de 
			penser pour que tout le monde soit prêt à nous aider, et même nous 
			porter. 
			
			  
			
			Et la Maison 
			Dieu : en y pensant il se rend compte qu’elle aussi se présente sans 
			avertir. Par contre, le terme « sans tambour » ne lui convient pas, 
			car même sans l’entendre, le roulement de tambour l’accompagne à 
			merveille, que ce soit dans ses beaux aspects comme dans ses aspects 
			difficiles. 
			
			Il se souvient 
			très bien que chaque fois qu’il la rencontra, elle lui renvoya des 
			messages en rapport avec des événements déjà bien avancés. C’est 
			comme si elle était toujours la conséquence de quelque chose 
			d’autre, comme si, quand on la voit, c’est en réalité un ou des autres 
			Arcanes qui nous renvoient le résultat d’une ou de plusieurs actions 
			passées. En effet, dans ces moments de surprise le roulement de 
			tambour se fait entendre jusqu’au moment où l’on a compris la teneur 
			du message. 
			
			Le Bateleur 
			s’amuse en se souvenant de ces roulements, il les remémore en 
			visualisant ses souvenirs au ralenti. Ceci a pour effet d’associer 
			d’autres images au bruit des tambours, il se dit qu’avec un peu de 
			perspicacité on sera tout à fait capable de connaître le sens du 
			message avant de le comprendre ; Lorsque celui-ci est lourdement 
			chargé de conséquences fâcheuses, le roulement du tambour 
			ressemblera au grondement du tonnerre durant l’orage, alors que si 
			le message est une conséquence heureuse, ce roulement sera le même 
			que celui qui accompagne le trapéziste dans la figure la plus 
			dangereuse de son numéro. Le roulement de tambour accompagne toute 
			l’attente et la figure, puis quand le trapéziste réussit sa 
			réception, c’est toute la tension qui exulte, ce sont les éclats, la 
			libération, la fête. 
			
			  
			
			L’Étoile reste 
			pour le bateleur un merveilleux souvenir, il éprouve même un certain 
			béguin pour elle. Elle a une telle candeur, elle voit le monde avec 
			tellement d’amour et d’espoir que toute personne la rencontrant ne 
			peut qu’éprouver l’envie de l’aimer. Il se souvient d’ailleurs avoir 
			eu un sentiment de crainte pour elle, elle est tellement pure 
			qu’elle en devient naïve, ce doit être très facile pour des 
			personnes mal intentionnées de l’atteindre et de la blesser. 
			 
			
			  
			
			Pour le Pape, il 
			ne sait toujours pas s’il doit le voir comme un professeur, un 
			précepteur, le doyen du collège ou l’aumônier. Il se souvient 
			seulement que le Pape avait toujours quelque chose à lui apprendre 
			et qu’il le faisait avec beaucoup d’attention, comme l'aïeul et ses 
			petits enfants. 
			
			  
			
			Le Bateleur se 
			souvient qu’avec le Jugement il avait un sentiment de compréhension 
			de tout ce qui pouvait être en latence dans son esprit. Souvent, 
			justement après avoir rencontré le Pape, la vue du Jugement lui 
			permettait de comprendre ce que le pape lui avait transmis. Il se 
			souvient même avoir eu un sentiment de totalité, comme si le bien et 
			le mal n’existaient plus, comme si le masculin et le féminin ne 
			formaient plus qu’un seul genre, comme si ciel et terre se 
			confondaient pour ne faire plus qu’un. 
			
			  
			
			Pour L’Empereur 
			il rencontra parfois beaucoup de peine à entrer dans sa rigueur, 
			surtout qu’il est difficile à comprendre ; durant des jours et des 
			jours on le voit engagé, responsable, réfléchi et soudain quand le 
			besoin ou l’envie le prend, on le voit partir en fête et rire comme 
			s’il n'était pas empereur. Ce fut très déconcertant et le Bateleur 
			en déduisit qu’il fallait être particulièrement mûr pour garder cet 
			équilibre, ce qui n’est pas son cas.  
			
			  
			
			L’Amoureux est 
			l’Arcane lui ressemblant le plus, ils sont de bons amis et 
			connaissent même un petit effet de mimétisme, mais le Bateleur est 
			souvent agacé par les paradoxes de l’Amoureux.  
			
			Par exemple, 
			celui-ci est bien plus hésitant que le Bateleur, mais il voudrait 
			lui donner des leçons de prise de décision. L'Amoureux est 
			irrésistiblement attiré par sa bergère qu’il nomme souvent « sa 
			Dulcinée », alors qu’il est fasciné et même faible devant les catins 
			et autres gourgandines attirées tant par sa plastique séduisante que 
			par ses potentiels de réussites sociales. Il sait pourtant 
			parfaitement où se situe son bonheur, le langage de son corps ne le 
			trompe pas, mais c’est plus fort que lui ! Quand des filles 
			entreprenantes veulent le capturer, il les laisse se rapprocher 
			dangereusement. Alors en matière de décision et d’engagement c’est 
			plutôt l’amoureux qui devrait prendre de ma graine se dit-il. 
			
			  
			
			Ses rencontres 
			avec le Soleil furent de grands moments de partage, il se sentit 
			toujours le bienvenu et le Soleil ne manqua jamais de l’encourager 
			dans les entreprises qu’il débutait. Il avait toujours la parole 
			rassurante, le geste qui stabilise, le regard qui fait se sentir 
			protégé et compris. 
			
			  
			
			La Roue de 
			Fortune : Elle est la plus prometteuse, on a l’impression qu’il 
			suffit de l’apercevoir pour que la chance nous sourit. Il apprit 
			très rapidement que la fortune qu’il attendait comme une libération 
			financière n’est rien de tout ça. Il apprit avec elle le sens de 
			l’expression de la sagesse populaire disant « aide-toi et le ciel 
			t’aidera »  
			
			  
			
			Le Diable fait 
			aussi partie des souvenirs marquants, qu’ils soient bons ou mauvais. 
			Il faut dire que le Diable déploie assez d’énergie pour cela. Il se 
			souvient l’avoir vu, ou même entraperçu, avant presque chaque 
			apparition de la Maison Dieu, il s’est même pausé la question de 
			savoir si la Maison Dieu n’était pas intimement liée aux épreuves 
			rencontrées avec les tentations du Diable. C’est comme si la Maison 
			Dieu était l’examinateur après les pièges tendu par le Diable. C’est 
			vrai que Diable et Dieu se tutoient et chacun connaît parfaitement 
			le répertoire de l’autre, Il est donc aisé et amusant pour le Diable 
			de piéger les âmes quand elles se croient proche de Dieu. Le 
			Bateleur se dit qu’il va devoir méditer sur le sujet, car le Diable 
			apporte des plaisirs qu’il n’a pas envie d’abandonner, mais il veut 
			aussi s’élever vers sa divinité, alors il faudra certainement 
			beaucoup travailler pour trouver le juste équilibre. En pensant à ce 
			juste équilibre, le Bateleur se souvient même que sur les photos de 
			famille des Arcanes la Justice est toujours entre le Diable et Lui ; 
			peut-être est-ce un indice ? 
			
			Le Bateleur se rend même 
			compte que, alors qu'il passait en revue la Maison Dieu (juste à 
			l'instant) le diable s'est imposé dans sa pensée, raison de plus 
			pour penser que ces deux là sont intimement liés, à méditer!
			 
			
			  
			
			Et la Lune, c’est 
			un des Arcanes avec lequel il a eu le plus de peine à travailler. 
			Pourtant il se sent viscéralement attiré par elle, elle a une 
			énergie enveloppante comme si elle voulait protéger ses petits, elle 
			nous éclaire dans la nuit, elle propose des abris lorsque l'on est 
			perdu, elle donne toute son affection, elle cherche à nous 
			transmettre ses émotions etc…. C’est comme si elle était à l’origine 
			de la vie et qu’elle s’en sente responsable. Le Bateleur se souvient 
			que son reflet était très souvent présent lorsqu’il travaillait avec 
			la Papesse, il y avait comme un lien charnel entre elles. Mais il y 
			a cette inconstance qui la rend très difficile à cerner, elle a sa 
			propre personnalité mais elle n’a pas sa propre lumière, elle a ses 
			émotions très profondément ancrées en elle mais elle est comme 
			effacée par cette lumière venue d'ailleurs; à moins que ce ne soit 
			cette lumière d'ailleurs qui la révèle ? 
			
			Elle a peur de 
			l’inconnu et pourtant elle est la mieux placée pour connaître le 
			revers des choses, elle a peur de la nuit mais c’est elle-même qui 
			l’éclaire, elle a peur d’être trompée alors qu’elle-même n’exprime 
			pas totalement ses propres émotions. Même le Bateleur devient 
			paradoxal avec elle car il s’en éloigne espérant être libre en son 
			absence alors qu’inconsciemment il fait tout pour la retrouver. 
			Ne 
			serait-ce que ses innombrables rentrées tardives au clair de lune ? 
			
			  
			
			Le Mat quant à 
			lui, il ne le rencontra pas souvent. Il eut même beaucoup de peine à 
			avoir de vrais échanges avec lui, c’était comme si ils n’avaient rien 
			à se dire ou plutôt comme si le Mat l’intimidait. Pourtant le 
			Bateleur aurait tant aimé lui ressembler, il se souvient même 
			d’avoir emballé ses cahiers d’école avec des images le représentant. 
			Il ne savait pas encore ce que le Mat représente, mais il le voyait 
			comme un héros rebelle, il était comme un électron libre qui osait 
			faire tout ce que la bonne éducation interdit.  
			
			Le Bateleur se 
			souvient même que durant son enfance il lui arriva de rêver qu’il 
			devenait aussi libre et impertinent que lui, être dans la peau du 
			Mat lui donnait la force d’affronter les adultes en leur balançant 
			toute sa révolte intérieure. 
			
			Dans ces moments 
			il ne savait pas encore qu’il aurait un jour l’occasion de revêtir 
			la tenue du Mat. Il ne savait pas encore que l’image de liberté, 
			certains disent anarchie, transmise par le Mat revêt une toute autre 
			valeur et que celle-ci deviendrait un jour sa force. 
			
			  
			
			Après avoir fait 
			son passage en revue des Arcanes il ralentit le pas et se centre pour 
			mieux intégrer. Ce centrage le surprend, il n’en a pas vraiment 
			l’habitude et là il l’a fait le plus naturellement du monde, comme 
			s’il l’avait toujours fait. Serais-je en train de changer ? Se 
			demande-t-il. De ce moment de concentration il en ressort le 
			sentiment d’avoir accompli ses tâches, il a scrupuleusement visité 
			et écouté tout le monde…. Pourtant simultanément un autre sentiment 
			le dérange, celui de n’avoir pas compris, ni le but, ni le sens de 
			tout ce travail. Quelque chose lui manque pour pouvoir vraiment 
			intégrer chaque expérience, une pièce manque à son puzzle. 
			
			C'est comme s'il 
			évoluait au fond d'un sillon dans lequel il s’use et se fatigue à 
			force de maladroitement tenter d’en sortir sans savoir comment. 
			
			Alors cette fois 
			il se décide, demain il ira consulter le Pape ; Lui pourra 
			certainement le guider pour enfin sortir de cette ornière d’échecs à 
			répétition.  
			
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			Giovanni David Valente   Tout droit réservé 
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